Bulletins JSA

JUIN – JUILLET 2021

Editorial

QUEL EST LE POINT DE DÉPART DU DÉLAI DE RECOURS DE 15 JOURS CONTRE UN AVIS D’INAPTITUDE ?

Le sujet peut apparaître anodin mais pour autant, par une décision du 2 juin 2021 (Soc., 2 juin 2021, n° 19-24.061), la Cour de cassation juge que le délai de 15 jours dont dispose l’employeur pour contester, devant le Conseil de Prud’hommes, l’avis d’inaptitude d’un salarié à occuper son poste de travail, court à compter de la notification
de ce même avis, et non pas à compter de la réception des éléments de nature médicale le justifiant.
En l’espèce, une salariée qui était placée en arrêt de travail avait fait l’objet d’un avis d’inaptitude à tout poste par le médecin du travail le 25 octobre 2017.
Le 16 novembre 2017, l’employeur avait saisi la juridiction prud’homale en la forme des référés d’une contestation de cet avis et avait sollicité la désignation d’un médecin-expert.
La Cour d’appel saisie du litige a jugé, par un arrêt « avant dire droit », que l’action formée par l’employeur était hors délai et donc irrecevable. Selon la Cour d’appel, le délai de 15 jours ouvert pour la saisine du Conseil de Prud’hommes court à compter de la notification de l’avis d’inaptitude.
L’employeur soutenait, pour sa part, que le délai de 15 jours lui permettant de saisir le Conseil de Prud’hommes courait à compter du jour où les éléments de nature médicale justifiant la position du médecin du travail lui avaient été notifiés.
La Cour de cassation a confirmé l’irrecevabilité de l’action et approuvé le raisonnement de la Cour d’appel.
Pour rappel, face à l’hypothèse d’un avis d’inaptitude d’un salarié émis par le médecin du travail, l’employeur peut contester les éléments de nature médicale justifiant ledit avis en saisissant le Conseil selon une procédure accélérée au fond.
L’affaire étant antérieure à l’ordonnance du 20 décembre 2017 qui a réformé la procédure de contestation des éléments de nature médicale justifiant l’avis d’inaptitude d’un salarié émis par le médecin du travail, les Hauts magistrats ont interprété les textes applicables dans leur ancienne version.
Cependant, cette décision est transposable dans le cadre juridique actuel, sensiblement identique.
Dans la rédaction applicable à l’époque des faits, le Code du travail précisait que, en cas de contestation portant sur les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail (la rédaction actuelle étant « en cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail »),
l’employeur pouvait saisir le Conseil de Prud’hommes dans un délai de quinze jours à compter de leur notification.
Cela s’explique par le fait que l’employeur ne reçoit pas les éléments de nature médicale eu égard au secret médical auquel est soumis le médecin du travail.
Par l’arrêt du 2 juin 2021, la Cour de cassation a rejoint la position du Ministère du Travail qui a publié le 26 octobre 2020 un document intitulé « Recours contre un avis d’inaptitude », lequel indiquait que la contestation des avis du médecin du travail devait être portée devant le Conseil de Prud’hommes dans les 15 jours suivant leur notification (site internet du ministère du Travail).
Cette décision peut s’analyser en une « bouteille d’encre » pour l’employeur qui se trouve contraint de contester un avis d’inaptitude physique sans avoir connaissance des éléments de nature médicale sur lesquels repose l’avis du médecin du travail.
Former un recours sans avoir été informé des éléments de nature médicale ou se conformer à un avis médical avec lequel l’employeur est en désaccord : ce dernier se trouve coincé entre des impératifs contradictoires…

Actualité Covid

ACTIVITÉ PARTIELLE : QUELLE INDEMNISATION À PARTIR DU 1ER JUILLET 2021 ?

Le déconfinement a eu pour conséquence positive une reprise de l’activité économique.
Dès lors, s’en est suivie une évolution du dispositif de l’activité partielle par Décret n° 2021-674 du 28 mai 2021.
Cas général pour les salariés des entreprises qui ne sont pas fermées par décisions administratives, qui n’appartiennent pas aux secteurs les plus touchés et en l’absence
d’accord d’activité partielle de longue durée (APLD) : L’indemnité a évolué au 1er juillet 2021 en ce qu’elle est désormais de 60 % de la rémunération antérieure brute, soit environ 72 % de la rémunération nette, avec un minimum de 8,11 € et un maximum de 27,68 € par heure.
Depuis le 1er juillet 2021, le taux de l’allocation d’activité partielle accordée aux employeurs est de 36 % de la rémunération brute de référence.
Cas particulier pour les salariés des secteurs protégés et des établissements fermés administrativement ou soumis à restriction :

La prise en charge intégrale de l’activité partielle est maintenue jusqu’au 31 octobre 2021 au bénéfice des entreprises les plus touchées par les effets de la crise sanitaire.
Sont concernées :

  • les entreprises dont l’activité a été interrompue par décision administrative en raison de la crise sanitaire,
  • les entreprises situées dans une circonscription territoriale soumise à des restrictions spécifiques des conditions d’exercice de l’activité économique et de circulation des personnes prises par l’autorité administrative lorsqu’elles subissent une forte baisse de chiffre d’affaires,
  • les entreprises qui relèvent des secteurs les plus affectés et qui continuent de subir une très forte baisse du chiffre d’affaires.
    Les salariés percevront toujours 70 % de leur rémunération brute antérieure, soit environ 84 % de leur rémunération nette, avec un minimum de 8,11 € net et un maximum de 32,29 € par heure chômée.

LICENCIEMENT : DES CIRCONSTANCES DE FAIT EXONÉRATOIRES DU PRONONCÉ D’UN LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE
(Cour de cassation chambre sociale 12 mai 2021 n°20-10.512 – Cour de cassation chambre sociale 19 mai 2021 n°19-20.566)


Les agressions verbales et les incivilités constituent des éléments de fait et de preuve pouvant caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute
grave.
Il est de jurisprudence constante qu’un salarié, ayant fait preuve d’acrimonie, voire d’une certaine agressivité verbale à l’égard de ses collègues créant ainsi un état de tension dans l’entreprise, puisse se voir notifier son licenciement pour faute grave.
Néanmoins, dans deux arrêts respectivement des 12 et 19 mai 2021, la Cour de cassation vient rejeter la caractérisation de licenciements pour faute grave prononcés en raison de faits d’agressions verbales et de messages à connotation agressive et insultante, de la part de salariés, envers leurs supérieurs hiérarchiques et collègues de travail.
Tout d’abord, la chambre sociale de la Haute Juridiction vient décrire les salariés comme présentant un « état pathologique, conséquence du harcèlement moral dont
il était victime », ou encore traversant « une période de dépression sévère ». Par de telles descriptions, il est notamment fait référence à l’altération de la santé physique
et mentale décrite à l’article L.1152-1 du Code du travail.
Par la suite, en prenant en compte les qualités professionnelles dont chacun des salariés faisait preuve, l’un en tant que VRP, l’autre en tant qu’agent déclarant en douane, la Cour de cassation a estimé nécessaire, au visa de l’article L.1235-1 du Code du travail, de considérer leurs licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse. Une telle application protectrice des dispositions légales amène le juge à octroyer aux salariés une indemnité en réparation du préjudice subi.
La solution jurisprudentielle démontre un assouplissement de l’appréciation du motif de licenciement pour agression verbale. La chambre sociale approuve ainsi le raisonnement casuistique de la Cour d’appel, ici à l’origine des deux arrêts de rejet.
Le harcèlement moral subi par le salarié, son absence de passé disciplinaire, ou son état de santé, peuvent conduire à une exclusion de toute faute reprochée au salarié.

RUPTURE CONVENTIONNELLE : LE BÉNÉFICE D’UN SYSTÈME CONVENTIONNEL D’INDEMNITÉ SPÉCIFIQUE DE RUPTURE PLUS FAVORABLE QUE LE VERSEMENT DE L’INDEMNITÉ LÉGALE
(Cour de cassation chambre sociale 5 mai 2021 N°19-24.650)


L’application limitative d’une indemnité conventionnelle de licenciement ne peut priver un salarié de la possibilité de bénéficier d’une indemnité spécifique plus favorable que celle de l’indemnité légale de l’article L.1234-9 du Code du travail.
Dans un arrêt rendu le 5 mai 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation énonce que : « en application de l’avenant du 18 mai 2009 à l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008, la salariée pouvait prétendre à une indemnité spécifique de rupture dont le montant ne pouvait être inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement ».
En l’espèce, la convention collective applicable réservait le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement aux seuls cas d’insuffisance professionnelle ou de licenciements économiques. Selon la Cour, cette exclusivité d’application ne saurait priver la salariée de l’indemnité conventionnelle plus favorable, lorsque cette dernière doit se voir octroyer une indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Il est par conséquent refusé à l’employeur de se prévaloir d’une restriction conventionnelle des motifs, pour calculer la présente indemnité sur le seul fondement légal de l’article L.1234-9.
L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle devait donc correspondre à minima à l’indemnité conventionnelle de licenciement, plus favorable que l’indemnité légale.
Néanmoins, la récente solution ici énoncée ne contredit aucunement la jurisprudence du 27 juin 2018 excluant le bénéfice d’une indemnité conventionnelle de licenciement, même plus favorable, pour les entreprises dont le secteur d’activité n’est pas couvert par l’ANI du 11 janvier 2008 (pour rappel : professions libérales et agricoles, économie sociale, secteur sanitaire et social, particuliers employeurs).

Bulletin rédigé par Me Luc LALANNE en collaboration avec Me Justine GIBIERGE et Monsieur Paul HEULIN, étudiant en Master I Droit
social à l’Université de Lille – SCP des Jacodins
1, rue du 33ème Mobiles CS 21508, 72015 Le Mans cedex 2