Bulletins JSA

MARS – AVRIL 2021

Editorial

LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL, ENCORE ET TOUJOURS, AU COEUR DES RELATIONS DE TRAVAIL

Parce que la crise sanitaire ne peut indéfiniment voler la vedette aux sujets juridiques du quotidien, il demeure important de s’intéresser à ces problématiques, moins spectaculaires, moins immédiates mais tout aussi prégnantes de la vie sociale des entreprises.
Rappelons que les services de santé au travail suivent chaque année environ 15 millions de salariés, et que 330.000 salariés font l’objet d’aménagements de postes sur prescription du
médecin du travail. Plus de 120.000 salariés sont déclarés inaptes chaque année (chiffres PRESANSE 2018-2019).
Ce n’est pas rien et les responsables des ressources humaines dans les entreprises le savent bien.
Désigné comme l’un des acteurs incontournables de la prévention primaire en entreprise depuis la Directive communautaire de 2009, il n’aura pas échappé au lecteur que le service de santé au travail est, également, un acteur de la régulation sociale en entreprise.
Autant de raisons qui, ajoutées à la crise démographique frappant la population des médecins du travail, à la nécessaire lutte contre les risques psychosociaux et à la désinsertion professionnelle grandissante des salariés, ont mis les services de santé au travail au coeur d’une importante réflexion des pouvoirs publics : ainsi l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) réalisait dès 2019 une mission d’évaluation des SSTI (Services de santé au travail interentreprises), le Sénat rendait un rapport le 3 octobre 2019 et un rapport de deux
députées LREM dont Charlotte Parmentier-Lecocq préconisant, toujours en octobre 2019 une réforme « en profondeur » du système de santé au travail.
Depuis lors, la proposition de loi est « en marche ». Adoptée en première lecture le 17 février 2021, elle est en cours d’examen devant le Sénat pour une entrée en vigueur au plus tard au printemps 2022.
Que les anxieux se rassurent, les députés ont fait leur la pensée du Président Habib Bourguiba selon laquelle « Être réaliste, c’est préférer une réforme modeste, qui en permet une autre, à un miracle impossible. »
Ainsi la réforme ne révolutionne-t-elle pas le paysage connu, mais prend en compte les enjeux de la santé au travail de demain ; les Associations gestionnaires de ces services sont confortées dans leur action au quotidien.
Entre autres changements : Durée de conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels portée à 40 ans, création d’une visite de mi-carrière aux 45 ans du salarié, développement du Dossier médical en santé au travail (DMST) partagé entre le médecin de ville correspondant et le médecin du travail, création du « passeport de prévention » retraçant les formations du salarié sur la sécurité et la prévention, allongement de la formation des élus en matière de santé et sécurité, rendez-vous de pré-reprise sur l’initiative du salarié (seulement)…
Autant de mesures dont l’entrée en vigueur devra être minutieusement suivie au sein des services RH des entreprises et dont le présent bulletin se fera l’écho.
Un regret tout de même.
Le recours contre l’avis du médecin du travail prévu à l’article L4624-7 du Code du travail, celui-là même qui a déjà été modifié à trois reprises depuis son entrée en vigueur au 1er janvier 2017 à la suite de la loi Travail du 8 août 2016, n’est ni modifié, ni précisé.
Les juges se chargent donc d’en dessiner les contours.
Depuis le 1er janvier 2018 en effet, les recours contre les avis du médecin du travail sont portés devant le Conseil de Prud’hommes « selon la procédure accélérée au fond » et non plus devant l’autorité administrative. Peuvent être contestés les « avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature
médicale ». Le Conseil de prud’hommes peut « confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent » pour l’éclairer.
Le 17 mars 2021, saisie par le Conseil de Prud’hommes de Cayenne, la Cour de cassation a pu indiquer dans un avis sibyllin (n°21-70.002) que cette procédure spécifique ne pouvait être utilisée pour se prononcer sur un éventuel irrespect, par le médecin du travail, des formalités désormais obligatoires préalablement à une déclaration d’inaptitude, mais que les juges pouvaient « se baser sur tous les éléments à leur disposition pour déterminer si l’avis du médecin du travail pouvait être annulé ».
La décision du Conseil de Prud’hommes, si elle annule l’avis du médecin, se substitue à lui.
Cet avis ne fait que renforcer le flou relatif qui entoure ce recours, questionner sur l’intérêt de sa mise en oeuvre, et ce d’autant plus que de nombreuses décisions de cours d’appel rappellent que le recours doit être fondé sur « des éléments de nature médicale », que par hypothèse l’employeur ne saurait détenir (CA Aix en Provence 15 mai 2020 n°19/14579, CA PARIS, 12 mars 2020 n°19/06035, Cour d’appel de CAEN 11 octobre 2018 n°18/00571, etc.).
Si le médecin a retenu une aptitude, alors le recours peut présenter de l’intérêt tant du côté de l’employeur que de celui du salarié.
Mais si le médecin a déclaré une inaptitude, le recours de l’employeur ne doit pas être engagé à la légère, dès lors que le recours ne suspend pas l’obligation de reprendre le paiement du salaire au bout d’un mois suivant la visite médicale.
Il peut être ajouté que la pratique montre que ce recours devient alors l’occasion d’évoquer d’autres points de litige par le biais de demandes reconventionnelles, recevables ou non…
Une décision rendue par la Cour de cassation le 24 mars 2021 (Cass. Soc. 24 mars 2021 n°19-16.558) suite au recours d’une salariée contre un avis d’inaptitude en fournit une illustration récente, en redonnant ses lettres de noblesse à « l’aptitude avec réserves » que l’on pensait presque disparue depuis 2017.
Une caissière de la grande distribution avait été déclarée inapte par le médecin du travail au motif qu’elle ne pouvait plus travailler de nuit (après 22 heures), ce qui impliquait une modification de son contrat de travail, le médecin précisant, du reste, que la salariée pouvant exercer ses missions de caissière en journée.
La Haute Cour confirme l’annulation de l’avis médical d’inaptitude par les juges : la salariée, pouvant continuer d’occuper « son poste » dans le cadre d’un horaire aménagé, est apte et non inapte. L’employeur ne peut licencier.
Dessinant progressivement le rôle du médecin du travail, les juges tendent donc à préserver son indépendance et à le protéger contre les tentatives d’instrumentalisation des parties, comme lorsqu’ils rappellent que le médecin du travail n’a pas à se prononcer sur l’origine, professionnelle ou non, de l’inaptitude du salarié (CA PARIS 28 mai 2020 n°19/06035).
Ce sujet précis, dont l’enjeu financier n’a pas échappé aux plaideurs, n’a pas fini d’agiter les prétoires…

Actualité

COVID-19 : LE RETOUR DE L’ABONDANCE (RÉGLEMENTAIRE)

À la suite des dernières annonces présidentielles, la multiplication de textes réglementaires inonde à nouveau l’actualité. La période d’urgence sanitaire est délimitée au 1er juin 2021.
Alors que deux décrets du 30 mars 2021 reportent la diminution des taux d’activité partielle au 1er mai, un décret du 31 mars 2021 prolonge jusqu’au 30 juin prochain la possibilité de neutraliser les périodes de confinement et autres restrictions à l’activité économique pour les employeurs ayant recours à l’activité partielle de longue durée (APLD).
Les employeurs sont invités par le Gouvernement le 2 avril 2021, à faciliter les prises de congés par les salariés pour tenir compte des nouvelles dates des vacances scolaires.
Les salariés ne pouvant être placés en télétravail et ne pouvant travailler en entreprise en raison de la nécessité de garder leurs enfants sont, quant à eux, placés en activité partielle en produisant une attestation sur l’honneur.
Le Gouvernement garantit dans un nouveau décret un « reste à charge nul » pour les entreprises puisque le taux de l’allocation (versée aux employeurs) sera porté à 70 % de la rémunération antérieure brute. Le taux horaire de l’allocation ne pourra être inférieur à 8,11 euros».
Le sort des titres-restaurants des télétravailleurs fait toujours l’objet d’un débat. Le Tribunal Judiciaire de Nanterre (jugement du 10 mars 2021) et celui de Paris (jugement du 31 mars 2021) n’adoptent pas la même solution concernant le bénéfice des tickets restaurant pour les salariés en télétravail ; Force Ouvrière interpelle la Ministre du travail pour trancher ce point sensible qui n’est donc pas encore réglé.

ADIEU AUX DIRECCTE, MAINTENANT PLACE AUX DREETS

Depuis le 1er avril 2021, par application du décret n°2020- 1545 du 9 décembre 2020, les DIRECCTE sont regroupées avec les services déconcentrés de la cohésion socialeau sein d’une nouvelle structure : les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).
Au niveau départemental, le nouvel interlocuteur sont les DDETS(PP) acronyme pour « Directions départementales de l’emploi du travail et des solidarités (et de la protection des populations) ».
Il s’agit d’un interlocuteur unique pour toute question concernant :
• La politique de l’emploi
• L’inspection du travail ;
• Le contrôle des marchés et des relations commerciales et la protection des consommateurs ;
• L’accompagnement des entreprises, les mutations économiques, la compétitivité et la sauvegarde des entreprises ;
• Les politiques de cohésion sociale ;
• Les actions sociales et économiques de la politique de la ville ;
• Le contrôle et l’inspection des établissements et services sociaux ;
• La formation et la certification des professions sociales et de santé non médicale ;
• L’insertion sociale et professionnelle.
Les adresses des Dreets sont disponibles sur dreets.gouv.fr

UN NOUVEAU GUIDE PRÉCIEUX DANS LA « TOOL BOX » DES DRH : LE BOSS

Le 8 mars 2021 était mis en ligne un nouveau site internet dédié au Bulletin officiel de la Sécurité sociale, le BOSS.
Il s’agit d’une base documentaire unique qui vise à regrouper l’ensemble des dispositions juridiques ainsi que la doctrine administrative ministérielle opposable en matière de cotisations et contributions de Sécurité sociale.
Y seront publiés l’ensemble des circulaires et instructions relatives à la législation applicable en matière de cotisations et de contributions sociales, ainsi que leurs commentaires.
Ont déjà été publiés des fiches thématiques très complètes sur les thèmes suivants :
• Assiette générale de cotisations et allègements de charges ;
• Exonérations zonées (exonérations de cotisations dans les ZRR, ZRD et BER et exonérations en outre-mer) ;
• Avantages en nature et frais professionnels ;
• Indemnités de rupture.
Le BOSS sera enrichi progressivement de nouveaux thèmes comme la protection sociale complémentaire.
Ainsi, depuis le 1er avril 2021, les cotisants doivent se conformer à la doctrine administrative publiée sur ce site internet et celle-ci sera opposable aux organismes de recouvrement. Une nouvelle bible donc …

PUBLICATION DE L’INDEX ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE : DES NOUVEAUTÉS ET DES DATES À NOTER DANS LES AGENDAS

Conformément à l’article D.1142-4 du Code du travail, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent publier chaque année, au plus tard le 1er mars, leur note sur leur site internet.
A défaut, les résultats doivent être portés à la connaissance des salariés par tout moyen.
Le décret n°2021-265 du 10 mars 2021 vient apporter des modifications importantes.
Désormais, les entreprises doivent publier le résultat obtenu pour chaque indicateur de l’index et non pas seulement la note globale.
En outre la publication doit se faire de « manière visible et lisible » sur le site internet de l’entreprise.
Enfin, cette publication devra être accessible jusqu’à la publication des nouveaux résultats l’année suivante.
A noter que les entreprises bénéficient d’un court délai pour se mettre en conformité :
• La publication, de manière visible et lisible, de la note globale pour 2020 doit être réalisée au plus tard le 1er mai 2021 ;
• Les entreprises ont jusqu’au 1er juin 2021 pour publier les résultats obtenus pour chaque indicateur.

Bulletin rédigé par Mes Stéphanie OGEZ & Myriam CASTEL Cabinet SO AVOCATS
34 rue de Rémusat – 31000 TOULOUSE